Pour un partenariat fort et équilibré en matière de circulation dans l’espace euro-méditerranéen – Etat des lieux, enjeux, perspectives
Colloque organisé le 25 octobre 2013 à Tunis par France terre d’asile et la Maison du droit et des migrations
Devant un panel riche de personnalités politiques, de chercheurs, de représentants de la société civile et de journalistes, cette journée a été introduite par leurs Excellences Monsieur François Gouyette Ambassadeur de France en Tunisie et Monsieur Houcine Jaziri, Secrétaire d’État en charge des migrations et des Tunisiens à l’étranger, ainsi que par Monsieur Nejib Mnif, Directeur général des affaires consulaires au ministère des Affaires étrangères. Tous trois ont insisté sur la dimension en premier lieu humaine des migrations et l’enjeu de l’échange et du débat constructif entre autorités politiques et sociétés civiles des deux rives de la Méditerranée – porteuses d’attentes fortes en matière de respect des droits humains et d’une plus grande adéquation des politiques à cet égard, au nord comme au sud de la Méditerranée.
Lire le mot d’introduction de M. l’Ambassadeur François Gouyette
Les discussions se sont articulées particulièrement autour de trois thématiques :
1/ L’état des lieux du dialogue euro-méditerranéen sur la migration et particulièrement les avancées de la décennie en ce domaine et la question particulière des accords de réadmission vers les pays du Maghreb
Sont intervenus :
Mme Delphine Perrin, Chargée de recherche au Centre d'études et de recherches internationales et communautaires à l'Université d'Aix-Marseille
M. Jean-Pierre Cassarino, Professeur au Centre Robert Schuman à l’Institut universitaire de Florence
2/ La circulation et mobilité dans l’espace euro-méditerranéen à travers l’exemple de la Tunisie
Sont intervenus :
M. Francis Hurtut, Chef du service des Affaires internationales, européennes et du développement solidaire au ministère de l’Intérieur français
M. Ahmed Messaoudi, Directeur général de l’Emigration et de la Main d’œuvre étrangère au ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi
M. Alexandre Zafiriou, Conseiller de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie
M. Khayam Turki, Secrétaire général adjoint du parti Ettakatol
M. Hassan Boubakri, Enseignant-chercheur à l’Université de Sousse
3/ Les moyens permettant d’assurer des partenariats forts et équilibrés en matière de migration dans l’espace euro-méditerranéen
Sont intervenus :
S.E.M. Houcine Jaziri, Secrétaire d’État en charge des migrations et des Tunisiens à l’étranger
M. Selim Ben Abdesselem, membre de l'Assemblée nationale constituante, élu de la circonscription France Nord
M. Pouria Amirshari, Député de la neuvième circonscription Afrique du Nord et de l’Ouest des Français établis hors de France
M. Andrea Della Nebbia, Premier secrétaire de l’Ambassade d’Italie en Tunisie
Mme Barbara Dätwyler, Directrice de Coopération de l’Ambassade de Suisse en Tunis
Les chercheurs Delphine Perrin et Jean-Pierre Cassarino ont présenté un bilan plus que mitigé des cadres de partenariat mis en place ces dernières années entre les deux rives de la Méditerranée :
Notant l’évolution effective de la conception des migrations dans l’espace euro-méditerranéen – d’une émigration pensée comme strictement maghrébine, l’on considère aujourd’hui de plus en plus les migrations dans leur dimension plurielle à travers particulièrement l’existence d’une migration également à destination des pays maghrébins, qu’il s’agit aujourd’hui de prendre non seulement en compte mais d’accompagner - la chercheuse Delphine Perrin a proposé un bilan des politiques menées de chaque côté de la Méditerranée, en insistant sur le caractère pernicieux des injonctions européennes sur les politiques menées en matière migratoire dans les pays de la rive sud : tous au cours de la décennie ont été amenés à modifier leurs politiques migratoires dans le sens d’une plus grande répression de l’irrégularité, aux dépens de la dimension de protection qui doit pourtant lui être consubstantielle .
Les évolutions récentes depuis 2011 confirment le maintien de cette pression par l’UE sur les pays de la rive sud, en même temps que l’émergence dans ces pays d’une attente concrète de cadres de négociation désormais plus équilibrés. Les pays de la rive sud se confrontent également de manière croissante à la problématique de migrations plurielles, pour lesquelles particulièrement la question de l’adoption de lois nationales d’asile se pose, au Maroc comme en Tunisie.
Lire l’intervention de Mme Perrin
Le chercheur Jean-Pierre Cassarino s’est quant à lui penché sur le « système de la réadmission » et sa place dans les coopérations entre pays du Maghreb et Etats membres de l’UE : démontant la problématique de la réadmission en tant que « moyen de lutte contre les migrations irrégulières », le chercheur démontre au contraire que s’y joue pour les Etats la question de la mise en scène de leur propre autorité, à l’international mais plus spécifiquement vis-à-vis de leurs ressortissants nationaux.
Au-delà, le « système de la réadmission » s’inscrit plutôt dans la problématique de la libéralisation du marché du travail et de la précarisation des travailleurs, en particulier des travailleurs migrants.
Lire l’intervention de M. Cassarino
Quant aux conditions de partenariats plus équilibrés entre rive nord et rive sud de la Méditerranée, les intervenants ont convenu que l’équilibre se joue au point de départ au stade du cadre de dialogue : chacun suivant ses intérêts doit pouvoir être en capacité de présenter ses besoins et attentes spécifiques, et de négocier sur cette base. En ce sens, un premier bilan de l’accord tuniso-français établi lors de la deuxième table-ronde a permis de mettre en avant l’insuffisance par le passé de la communication entre les parties ; Pour le Ministère de la formation professionnelle et de l’emploi, M. Messaoudi a insisté sur la dimension circulaire des migrations et l’importance pour l’Etat tunisien de la bonne mobilisation des compétences des tunisiens partis à l’étranger. Pour M. Hurtut, l’évaluation de l’accord tuniso-français devra impérativement intégrer la question du retour effectif des migrants sur le territoire tunisien, et de leurs conditions de réinsertion sociale et économique.
Pour l’Union européenne, son représentant M. Alexandre Zafiriou a indiqué que l’UE avait de son côté intégré les changements intervenus et les attentes à l’égard des cadres de partenariat susceptibles d’être proposés aux pays de la rive sud et rappelé qu’il ne saurait en aucun cas être question de fermer les frontières – solution non viable au plan politique comme au plan économique.
Mme Dätwyler pour la coopération suisse, et M. Amirshari, député des Français établis à l’étranger, ont de leur côté insisté sur l’importance des politiques de coopération au développement, corollaires indispensables des accords politiques et bases concrètes d’échange pour le développement de projets d’avenir et d’intérêt commun aux pays du nord et du sud de la Méditerranée.
Revenant sur le cas spécifique tunisien, il est ressorti des discussions que la Tunisie devrait intégrer un peu plus l’aspect culturel et prendre en compte son appartenance au continent africain en vue de donner une autre dimension à sa politique migratoire. Il a donc été recommandé qu’un effort supplémentaire soit fait sur le sort des migrants séjournant sur le territoire Tunisien en vu de leur garantir les mêmes droits auxquels aspirent les tunisiens résidents dans les différents pays étrangers.
En savoir plus :
Partenariat privilégié :
Lien vers le contenu du Plan d’action 2013-2017 soumis au Conseil d'association Tunisie-UE
Tribune France terre d’asile – Le Monde, 24/10/2013 - Des valeurs fondatrices sont en jeu à Bruxelles
CP collectif d’organisations de la société civile – Tunisie, 03/12/2013
Sur le centre Robert Schuman de l’Institut universitaire de Florence :
Lien vers la plate-forme « Migration de retour et développement » (RDP) et les travaux de son unité de recherche
Conférence du 23 mai 2013, Tunis –en partenariat avec l’IRMC et le CETUMA - Conditions des migrants tunisiens – Droits, aspirations et développement
Sur le centre d’études et de recherches internationales et communautaires :