Conséquences de la pandémie pour les migrants et initiatives solidaires
Une situation difficile pour les populations vulnérables et les migrants en Tunisie
Le 11 mars 2020, l’OMS déclare que la propagation du COVID-19 a atteint le niveau d’une pandémie mondiale. Pour répondre à cette crise, la majorité des gouvernements, dont la Tunisie, a adopté des mesures strictes. Celles-ci constituent également des réponses aux lacunes et faiblesses des systèmes de santé publics et de protection sociale, qui rendent plus difficile le ralentissement de la propagation ainsi que la protection des populations à risque et des plus vulnérables. Ces mesures, bien que nécessaires, suivent une logique d’extrême urgence et peuvent parfois porter atteinte aux droits humains, tels que l’accès à la santé pour tous. Aussi, ces mesures restrictives ainsi que celles de soutien social et économique laissent de côté certaines catégories de personnes comme les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés, les personnes vivant dans les centres de détention, les personnes âgées, les mineurs non accompagnés et les personnes handicapées. Les travailleurs dans le secteur informel constituent aussi une population vulnérable étant donné l’instabilité de leurs sources de revenus.
En Tunisie, la propagation du COVID-19 et les mesures de confinement général adoptées ont un impact important sur la vie et les droits des personnes migrantes. Ce contexte inédit vient renforcer la situation de précarité économique, d’exclusion sociale et de fragilité psychologique à laquelle elles doivent déjà faire face au quotidien. En effet, les mesures de confinement impliquent la perte de sources de revenus en raison de la fermeture de certains lieux de travail où les employés migrants sont nombreux (cafés, restaurants, chantiers de construction, etc.). Ainsi, le paiement des loyers deviendra bientôt un problème important pour les migrants. Un appel aux autorités locales de la Marsa a été lancé par Terre d’Asile Tunisie pour intervenir en faveur des personnes vulnérables ne pouvant pas payer leur loyer et bloquer les ruptures de bail et la mise à la rue des locataires ne pouvant honorer leurs engagements. Cette demande aura deux objectifs : un humanitaire et l’autre sanitaire. Mettre les personnes vulnérables à la rue ne fera qu’accroitre leur précarité et le risque de contamination et la propagation de l’épidémie dans la communauté. Ce type d’initiatives s’inscrirait alors dans l'intérêt général des villes entières.
Les conditions d’hébergement dans des lieux surpeuplés et insalubres rendent impossible le respect des mesures sanitaires telles que la distanciation. Le statut administratif irrégulier de certaines personnes peut être un obstacle au recours à un médecin en cas de besoin, et les cas de discrimination pour l’accès aux services de santé sont fréquents. La barrière linguistique représente un énorme obstacle à l’accès à l’information.
Certaines communautés sont bien organisées et se relaient l’information mais dans les quartiers marginalisés où la communauté n’est pas forcément présente, les migrants n’ont pas toujours accès à un niveau d’information suffisant. Cela devient aujourd’hui un réel problème puisque la connaissance des comportements adéquats visant à se prémunir, ainsi que son entourage, contre le virus est vitale.
Les femmes et les filles sont davantage affectées par les mesures de confinement, qui peuvent rendre les femmes plus vulnérables face aux violences domestiques ou dans la communauté. A cela s’ajoute les difficultés d’approvisionnement dues au manque de ressources financières. Les mères célibataires étant seules responsables de leurs enfants sont encore plus affectées par ces mesures.
Afin de respecter les mesures sanitaires qui ont été prises, la plupart des actions humanitaires dont dépendent de nombreux migrants ont dû être suspendues, ou adaptées au contexte de confinement. Elles sont essentielles et l’impréparation à cette situation plonge les migrants présents en Tunisie dans une précarité des plus totales. La mise en place d’actions non dangereuses du point de vue sanitaire, effectives et coordonnées prend du temps pour les structures venant habituellement en aide aux populations vulnérables. La poursuite d’une partie de leurs activités et la mise en place d’aides spécifiques et d’une action coordonnée à destination des migrants est néanmoins nécessaire.
La poursuite des actions de Terre d’Asile Tunisie à Tunis et à Sfax
Face à cette situation exceptionnelle, Terre d’Asile Tunisie a été obligée, comme tous, d’adapter sa manière de fonctionner et de communiquer, surtout compte tenu de la désinformation ou de l’information partielle disponible pour les migrants. Informer, écouter, relayer, répondre aux différents besoins, restent nos missions principales.
Terre d’Asile Tunisie poursuit certaines actions à Tunis et à Sfax afin de venir en aide aux migrants durant cette période difficile, en collaborant notamment avec les relais communautaires et autres organisations de la société civile. Une permanence téléphonique est instaurée pour garder contact avec les bénéficiaires et assurer une réponse immédiate aux besoins. Ainsi, les entretiens et les conseils, les orientations vers les partenaires et les prises de rendez-vous pour les cas non-urgents se font par téléphone. Les situations d’urgence sont traitées au cas par cas tout en respectant les mesures diverses qui ont été prises par le gouvernement.
L’émergence d’initiatives solidaires en coordination avec les pouvoirs publics et la société civile
Un plan d’action en coordination avec nos partenaires, se met en place afin de mener des actions ciblées de soutien aux personnes les plus vulnérables.
Des initiatives de la société civile tunisienne et internationale et des autorités locales prennent alors forme et permettent à cette population d’être visible et entendue et accompagnée.
Tunis:
- Le Ministère des Affaires locales recense les contributions possibles des organisations de la société civile
Un groupe de travail composé du Ministère de la Santé, du Ministère des Droits de l’Homme, des instances constitutionnelles et de membres de la société civile s’est réuni afin de discuter des initiatives prises par la société civile. Les recommandations dégagées ont ensuite abouti à la rédaction d’un formulaire permettant à la société civile de prendre part aux actions.
Si vous êtes une association ou une organisation de la société civile et souhaitez participer à l’effort solidaire collectif, cliquez ici.
Terre d’Asile Tunisie a répondu favorablement à l’appel lancé par le Ministère des Affaires locales afin de contribuer activement à la sensibilisation sur la situation actuelle et au soutien des populations vulnérables nécessitant de l’aide. Cette campagne qui compte sur la capacité de diffusion des réseaux sociaux, fait écho aussi à d’autres initiatives comme celles de Médecin du Monde.
La société civile a également été à l’origine d’initiatives, notamment de collectes de dons.
- By Lhwem lance un appel à dons financiers, alimentaires et de produits d’hygiène à destination des populations vulnérables de la zone de Bhar Lazreg, soutenu par la municipalité de la Marsa et Terre d’Asile Tunisie
Une première distribution d’urgence a été faite pour les 27 migrants qui sont hébergés à la Maison des jeunes et des bons d’achat utilisables dans les commerces de proximité leur ont été fournis. La collecte se poursuit et la distribution des dons en nature se fera par le biais des relais communautaires, d’abord dans le quartier de Bhar Lazreg principal quartier de résidence de personnes migrante dans la commune Et s’étalera dans d’autres quartiers dans un deuxième temps. Cette action touchera notamment les familles Tunisiennes nécessiteuses.
- Le comité local de l’Ariana du Croissant Rouge Tunisien lance une collecte de dons financiers, alimentaires et de produits d’hygiène destinés aux personnes vulnérables de l’Ariana
Cette initiative fait partie d’un plan d’urgence destiné à aider les personnes vulnérables de l’Ariana. TAT collabore avec l’association afin d’élargir aux migrants une campagne téléphonique de sensibilisation et d’information sur les bonnes pratiques pour lutter contre le COVID-19. Cette action touchera plus de 600 personnes. Elle ciblera les personnes en situation de vulnérabilité et notamment les mères célibataires. En outre, une distribution de denrées alimentaires de kits d’hygiène et de produits de nettoyage est prévue.
Sfax:
Terre d’Asile Tunisie met en place aux côtés de l’association Innocence, du Croissant Vert et des relais communautaires, des actions d’identification des besoins des migrants vulnérables et de collecte. De plus, un groupe Whatsapp a été créé afin de permettre une sensibilisation et un partage d’informations en temps réels sur l’actualité liée au COVID-19 à Sfax.
Une action commune et coordonnée se met en place à Sfax avec les acteurs de la société civile, et les pouvoir locaux. Par exemple, les efforts de l’association El Mezyena qui cible déjà une trentaine de personnes migrantes et réfugiés se rejoignent à ceux d’autres associations de terrain telles que Terre d’Asile Tunisie, Médecins du Monde, la Jeune Chambre Internationale, ACTED et African Businness Leaders pour mener une campagne commune de collecte de dons. Aussi, la mairie de Sfax ouvre pour un soutien aux organisations de la société civile pour venir en aide des populations migrantes vulnérables.
Médenine:
Les demandeurs d’asile et réfugiés, se trouvant dans le foyer bénéficient de l’aide du Haut Commissariat aux Réfugiés qui continue à leur fournir des vivres. Contexte beaucoup plus complexe pour les personnes ou les familles qui résident en colocation ou en logement autonome.
La situation des migrants est cependant différente. Alors qu’ils reçoivent habituellement des bons d’achat de l’OIM, ils rencontrent des difficultés pour les utiliser : les supermarchés sont en rupture de stocks ou ont fermé.
Des initiatives émergent néanmoins et la municipalité se coordonne avec les différents acteurs de la ville afin de mettre en place une collecte de dons et une distribution à destination des citoyens tunisiens et des migrants. D’autre part, la société civile sensibilise la Direction Régionale du Commerce afin qu’elle facilite l'approvisionnement des supermarchés.