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A l'occasion de la journée mondiale des réfugiés (vendredi. 20 juin 2014), Ursula Schulze-Aboubacar, représentante par interim de l'UNHCR à Rabat, a accordé une interview à Yabiladi. Elle s'inquiète de l'immobilité du Maroc sur la question des réfugiés, alors qu'ils dépassent pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale les 50 millions suite à la guerre en Syrie.

 

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Yabiladi : Le Maroc a officiellement reconnu plus de 500 réfugiés en novembre 2013. Que deviennent depuis, les migrants qui demandent l'asile au Maroc?

Ursula Schulze-Aboubacar : Ca nous fait mal de ne pas pouvoir leur donner de réponse. En décembre nous avons repris l'enregistrement des demandes d'asile, après les avoir suspendues pendant plus de 3 mois dans l'espoir de commencer à faire ces enregistrements conjointement avec le Maroc. Mais aujourd’hui plus aucune carte de réfugié n'est délivrée. La commission marocaine ad hoc ne se réunit plus pour les nouveaux cas de demandeurs d'asile qui se présentent depuis septembre.


Au moins les gens qui se présentent à nous sont enregistrés comme demandeurs d'asile. Ils ne bénéficient pas de la protection internationale, mais ils ne risquent plus d'être expulsés.

Même si le Maroc ne veut pas reconnaître de nouveaux réfugiés, pourquoi le HCR ne délivre-t-il pas lui même sa propre carte de réfugié au Maroc comme par le passé ?

Aujourd'hui, comme nous ne voulons pas, en délivrant une carte de réfugié que le Maroc ne reconnaîtrait pas, créer des problèmes par rapport aux réfugiés qui ont été reconnus par l'Etat. Nous ne notifions aux demandeurs d'asile que nos décisions négatives. Ainsi ils peuvent s'organiser sur cette base ou faire appel de cette décision. Les autres restent dans l'attente. Ils sont peu nombreux, c'est certain, mais le nombre ne fait rien à l'affaire. Ce sont des êtres humains, des personnes souvent vulnérables et nous voudrions pouvoir leur donner une décision rapide.
Cette attente est très grave car il y a des cas très vulnérables qui ont besoin d'une décision du Maroc pour bénéficier d'une réinstallation internationale. Je pense aux cas de certains LGBT, mais aussi à des femmes qui ont subi des violences pendant leur route de migration, aux enfants non accompagnés qui peuvent être réinstallés dans les pays tiers.
En somme, la situation des demandeurs d'asile aujourd'hui est pire qu'avant. Cela nous inquiète beaucoup. Nous ne voudrions pas que le Maroc croit que le travail est fini, alors que les migrants continuent et continueront à demander l'asile au Maroc.

Qu'est ce que les autorités marocaines vous disent ? Savez-vous d'où vient le blocage ?

Depuis des mois, on nous dit oui, ça va se faire, mais rien ne se fait. Nous avons eu une réunion en février avec le ministère des Affaires étrangères dont dépend la question des réfugiés, et nous avons reçu un appel téléphonique, il y a quelques semaines, à propos des Syriens pour que nous partagions avec le gouvernement marocain toutes les demandes d'asile des Syriens au prétexte que leur régularisation devraient être imminente, mais toujours rien.

On s'était pourtant mis d'accord : 5 juristes et 5 remplaçants des différentes ministères devaient être désignés pour travailler avec nous pour déterminer les statuts de réfugiés. On attend toujours qu'ils soient nommés. Le rôle du HCR n'est pas de se substituer au gouvernement mais de l'aider, de l'appuyer pour qu'il prenne en charge lui même la question de l'asile.

Qu'est ce qui s'est amélioré au Maroc, sur la question de l'asile, depuis l'annonce royale d'une nouvelle politique migratoire ?

Depuis, septembre, le ministre de l'Education a publié une circulaire, ainsi que le ministère de la Santé pour ouvrir ces services publics aux réfugiés et migrants en situation régulière. Le discours globalement a changé. Chose qui n'arrivait jamais avant : des employeurs de sociétés assez importantes sur Casablanca nous ont contactés pour recruter des réfugiés. Le HCR a réalisé une short-list en fonction de leurs formations et de leurs compétences et nous attendons leur retour.

Nous savons également qu'il y a un Ivoirien, reconnu officiellement réfugié, qui veut se lancer dans un projet agricole avec sa compagne ivoirienne également en situation régulière au Maroc. Ce serait totalement impossible pour lui sans la carte de réfugié du Maroc et la régularisation qu'elle permet. Le voyage du roi en Afrique de l'ouest et la signature des différents accords ont donné une nouvelle tendance politique et ça se ressent.

Le HCR a-t-il été contacté dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle loi sur l'asile ?

On a eu beaucoup de chance, on a effectivement été consulté pour la définition de la nouvelle loi sur l'asile. Le DIDH qui planche sur le projet de loi sur l'asile a sollicité notre expertise. Nous sommes donc très heureux d'avoir pu donner notre avis aux mois de février/mars, même si bien sûr nous ne pouvons pas savoir si nous avons été entendus et écoutés.
On nous avait dit que la loi sur l'asile passerait en priorité lors de la session parlementaire d'avril, mais nous n'avons toujours rien vu.


Le Maroc a expulsé plusieurs familles de Syriens. Dans leur ensemble, que deviennent les Syriens ?

Les 1000 Syriens demandeurs d'asile et que le HCR reconnaît automatiquement comme réfugiés en raison de la guerre en Syrie ont été enregistré en grande majorité avant janvier 2013. A cette époque là, le gouvernement nous avait assuré qu'il allait mettre en place un statut privilégié qui leur serait dédié. En décembre, rien n'avait encore été mis en place, alors nous avons repris les enregistrements. Ils sont très peu nombreux depuis, à venir au HCR demander l'asile. On s'attendait à ce qu'ils soient plus nombreux.

Pourquoi sont-ils si peu nombreux depuis janvier à être venus demander l'asile ?

Il est difficile de savoir s'ils sont tout simplement moins nombreux ou s'ils ont été frustrés et dissuadés de venir s'enregistrer en raison de l'impossibilité de le faire pendant un an. Certains d'entre eux ont certainement cherché à rejoindre l'Europe et il est également probable que d'autre se soient tournés vers des options alternatives comme la régularisation.

Nous avons appris par le bureau régional du CNDH à Oujda que 250 Syriens avaient été régularisés dans le cadre de la campagne de régularisation de migrants. Il y a donc quelques centaines de Syriens régularisés comme migrants alors que 1000 d'entre eux attendent chez nous et ne savent toujours rien.

Aujourd'hui, un réfugié sur 4 est un Syrien, dans le monde. Nous défendons le partage du fardeau. Les pays voisins n'ont pas fermé leur frontière et accueillent l'immense majorité d'entre eux. Aujourd'hui, les Syriens constituent 25% de la population du Liban. Avec cette situation, il y a un devoir d'hospitalité arabe

Julie Chaudier

 

Yabiladi, le 21 Juin 2014