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Les demandeurs d’asile syriens ont célébré la Journée mondiale du réfugié en organisant un sit-in devant le siège du HCR-Rabat

Le 20 juin de chaque année, le monde célèbre la Journée mondiale du réfugié. Une occasion pour commémorer le courage et la résilience de millions de personnes déplacées à travers le monde qui ont été forcées de fuir leur maison à cause de la guerre ou des violations des droits humains. 

 

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L’année 2014 a apporté elle-aussi son lot de conflits et de persécutions qui ont forcé un nombre, sans précédent, de civils à fuir leurs foyers en laissant tout derrière eux. C’est le cas de la guerre en Syrie, qui a contraint près de trois millions de personnes à devenir des réfugiés et fait environ sept millions de déplacés internes.

Au Maroc, les demandeurs d’asile syriens ont décidé de fêter cette journée mondiale à leur manière. Ils ont opté pour un sit-in devant le siège du Haut-commissariat aux réfugiés à Rabat. Ils ont le sentiment d’être laissés pour compte. Des mois après leur arrivée, ils sont encore dans l’attente et l’angoisse. Leur avenir semble incertain. Une situation difficile à digérer surtout que ni les autorités marocaines ni le HCR ne veulent assumer. «Beaucoup de Syriens ne savent plus où donner de la tête. Certains n’ont même pas de quoi manger», nous a lancé Talal Imam, porte-parole des Syriens demandeurs d’asile au Maroc qui ne mâche pas ses mots contre le HCR Maroc. Lequel ne semble pas vouloir porter secours à ces derniers. «En Jordanie, les Syriens ont droit à des soutiens financiers et à de la nourriture. Ici, le HCR ne s’en préoccuperait pas outre mesure par notre sort alors que sa mission est de prendre soin de nous», nous a-t-il précisé. Pourtant, loin de ce débat sur le rôle du HCR, le ras-le-bol des familles syriennes révèle les dysfonctionnements du droit d’asile dans notre pays.

Des Syriens à la recherche d’un refuge

Chaque jour, près de 5.000 Syriens, en moyenne, fuient la guerre vers les pays voisins. Leur nombre dépasse aujourd’hui les trois millions réfugiés. Ils sont plus de 110.000 en Egypte, 168.000 en Iraq, 515.000 en Jordanie, 716.000 au Liban et 460.000 en Turquie. Ils sont à la recherche d’un refuge sûr, loin des tourmentes et des atrocités de la guerre. Ils croient en un avenir meilleur et au fait qu’ils peuvent reconstruire un nouveau projet de vie en toute dignité. Mais leur quête n’est pas de tout repos et le chemin semble si longue et semée d'embuches. Leur quotidien est souvent fait de précarité et de souffrances.

Le Maroc fait partie des pays-refuge pour un grand nombre de Syriens. Pour certains d’entre eux, le Royaume constitue une dernière étape avant l’Europe. Pour d’autres, c’est la fin d’une longue errance de plusieurs mois. En effet, depuis le début de la guerre civile en Syrie, le Royaume a été l’un des pays à avoir accordé son aide aux réfugiés syriens établis au camp de Zaâtari en Jordanie. Il a installé, depuis le 10 août 2012, un hôpital, destiné à apporter l’assistance médicale nécessaire à ces personnes qui vivent près de la frontière jordano-syrienne. Mieux, notre pays a pris la tête du groupe des «Amis du peuple syrien» et a même abrité, en octobre 2011, l’une de ses réunions. L’Etat marocain a toujours accordé le statut de réfugiés aux personnes victimes de migrations forcées et involontaires.

Une errance sans fin

Pourtant, notre pays est loin d’accueillir ces Syriens à bras ouverts. Les 1.000 demandeurs d’asile que compte le Royaume depuis le début du conflit syrien, ne bénéficient pas encore du statut de réfugiés contrairement à bien d’autres, à savoir les Irakiens et les Palestiniens qui ont accédé à celui-ci dès leur arrivée au Maroc.

Les Syriens sont livrés à eux-mêmes. Ils vivent dans une précarité sociale extrême. Sans revenus financiers ou de travail, et sans mesures d’accompagnement et de protection de la part de l’Etat, ils souffrent le martyre. Bon nombre d’entre eux survivent grâce à la solidarité et à la générosité de leurs compatriotes ou de certains Marocains. S’ils sont aujourd’hui plus ou moins protégés contre les arrestations et le refoulement vers les frontières, ils ne le sont néanmoins pas contre la pauvreté et des conditions de vie inhumaines.

Sur une page Facebook «Refugiés syriens au Maroc», créée par un Syrien afin de faciliter le contact avec ses compatriotes, les demandes d’aide et d’assistance s’accumulent. Recherche de travail, appel à l’aide pour payer le loyer ou les factures d’eau ou d’électricité, demandes de nourriture ou de médicaments et la liste est longue.

Aujourd’hui, ces Syriens n’ont droit qu’à des certificats de demandeurs d’asile renouvelables tous les trois mois et qui ne leur garantissent aucun droit sauf celui de circuler.
Ahlam (nom fictif), mariée à un Marocain, fait partie de ce millier de demandeurs d’asile que compte le Royaume. Sa situation n’a rien de réjouissant. «En Syrie et en tant que réfugiée palestinienne, elle avait droit à des dons alimentaires et à une aide financière de 100 dollars par mois sans parler du droit d’accès aux soins et de prise en charge de l’éduction de ses enfants. Mais aujourd’hui, tout cela fait partie du passé puisque les responsables du HCR-Maroc se disent uniquement garants de la sécurité de ces personnes», précise son mari.

Le cas de Houda, ne semble pas plus réjouissant. Elle vit illégalement sur le territoire national puisque son visa d’entrée d’une durée d’un mois a expiré depuis fort longtemps. Pour avoir une carte de séjour, elle a été sommée de constituer un dossier comprenant un certificat de travail, un acte de mariage adoulaire, un compte bancaire et un certificat de résidence. Une mission impossible, selon son mari, puisqu’elle ne dispose pas du moindre centime et qu’elle réside chez son beau-père dans un bidonville de Sidi Bernoussi.

Un casse-tête pour les autorités marocaines

Aujourd’hui, le cas des Syriens semble un vrai casse-tête pour les autorités marocaines. Ils sont devenus des persona non grata. Le Royaume n’a pas hésité à refouler certains d’entre eux. 15 Syriens l’ont été dernièrement. Des opérations qualifiées de déplorables par le HCR-Maroc, puisque le non refoulement des réfugiés est un principe fondamental du droit d'asile édicté par les conventions internationales. Pis, ces refoulements touchent également des femmes et des enfants.
Pour mettre terme à ce casse-tête, les pouvoirs publics ont eu une idée de génie. Le ministère des Affaires étrangères a interdit aux ambassades et consulats du Royaume à l’étranger de leur délivrer des visas. Cette interdiction concerne l’ensemble des ressortissants de ce pays en guerre sans distinction aucune et il ne leur sera pas permis désormais de se rendre au Maroc. Un état de fait qui engendre un autre phénomène, celui du passage clandestin des Syriens à travers les frontières algériennes. Nombreux sont, aujourd’hui, les Syriens qui tentent d’entrer illégalement au Maroc. Notamment ceux d’entre eux qui comptent faire de ce pays un point de passage vers l’Europe.
Pourtant, le calvaire des Syriens n’est que la partie visible de l’iceberg. Il met en lumière ce qu’endurent tous les demandeurs d’asile avant de se rendre au HCR et pour se faire enregistrer

Un droit d’asile en déficit

En effet, au-delà des engagements et des déclarations politiques, la réalité est que le droit d’asile Maroc n’existe pas. Si le Maroc a bien ratifié la Convention de 1951 relative à la définition du statut de réfugié le 26 août 1957 et son protocole additionnel de 1967 le 20 avril 1971, il n’a pas encore mis légalement en place de procédures nationales de détermination du statut de réfugié.

Ainsi, l’accueil des demandeurs d’asile dans notre pays n’est-il pas réglementé. Le pays ne dispose pas d’un dispositif permettant d’accueillir les demandeurs de protection internationale pendant toute la durée de la procédure d’asile. Notre pays manque de centres d’accueil pour les demandeurs d’asile offrant un hébergement accompagné et donnant droit, en outre, à une allocation financière temporaire dans l’attente de la régularisation de leur situation et à un accompagnement social et juridique. Rappelons qu’un demandeur d’asile n’a pas le droit de travailler.

Le Royaume s’est cependant engagé à mettre au point un programme spécifique d’accueil destiné aux Syriens. Mais rien ne semble venir. Les autorités sont encore en quête d’un dispositif d’identification qui soit efficace.
En effet, nombreux sont les demandeurs d’asile qui ne présentent pas de titres de voyage et d’identité originaux. Certains dissimulent ou détruisent leurs documents, voire font de fausses déclarations et utilisent plusieurs identités.

Un problème des plus complexes notamment sur le plan technique et pratique faute de registres nationaux syriens fiables de population et de banques de données numérisées répertoriant les empreintes digitales.

Plus de cinquante millions de déplacés en raison de conflits dans le monde

Pour la première fois depuis la 2ème guerre mondiale, le nombre de déplacés dans le monde quittant leur foyer en raison des conflits et des crises a dépassé le seuil des 50 millions, selon un rapport publié vendredi par le HCR (Haut-commissariat pour les réfugiés), une agence de l'ONU. A fin 2013, "51,2 millions de personnes étaient déracinées, soit 6 millions de plus que les 45,2 millions comptabilisés fin 2012", a indiqué le Haut-commissaire pour les réfugiés, en présentant le rapport à la presse.

"Nous sommes confrontés à une énorme augmentation de tous les déplacements forcés", en ajoutant qu'il y a eu 2,5 millions de nouveaux réfugiés syriens et 6,5 millions de déplacés internes en Syrie depuis le début du conflit. De nouveaux importants déplacements de population ont aussi eu lieu l'an dernier en Afrique, notamment en Centrafrique et au Soudan du Sud. Selon le HCR, deux raisons expliquent cette forte croissance, d'une part "la multiplication de nouvelles crises", qui poussent les populations à quitter leur foyer, et d'autres part "la persistance des vieilles crises, qui semblent ne jamais vouloir mourir".

Les déplacements forcés regroupent trois catégories de population : les réfugiés, les demandeurs d'asile, qui agissent à titre individuel, et les déplacés internes, qui restent dans leur pays, mais qui ont quitté leur foyer. Le nombre de réfugiés qui ont choisi le chemin de l'exil a atteint 16,7 millions de personnes, un nombre record depuis 2001. Les Afghans, les Syriens et les Somaliens représentent les groupes de réfugiés les plus importants.

Par région, l'Asie et le Pacifique comptent le plus grand nombre de réfugiés au monde, soit 3,5 millions de personnes. Quelque 2,9 millions vivent en Afrique sub-saharienne et 2,6 millions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. 86% des réfugiés vivent dans des pays en développement. Par ailleurs, 1,1 million de personnes ont déposé l'an dernier une demande d'asile (+15%), pour la plupart dans les pays développés. Il s'agit d'un nombre record depuis 10 ans, qui s'ajoute aux 1,2 million de personnes qui ont déjà déposé une demande d'asile et qui attendent d'être fixées sur leur sort.
L'Allemagne a été en 2013 le pays le plus recherché par les demandeurs d'asile, détrônant les États-Unis, avec 109.600 demandes, soit une hausse de 70% par rapport à 2012. Ce sont surtout des Russes, des Serbes et des Syriens qui ont déposé une demande d'asile en Allemagne.
Outre l'Allemagne, les trois autres pays de prédilection pour les demandeurs d'asile sont les États-Unis (84.000 +19%), l'Afrique du Sud (70.000, -15%) et la France (60.200, +9%).

Enfin, les déplacés internes ont atteint le nombre record de 33,3 millions de personnes, soit 7,6 millions de plus qu'en 2012. Les 4 pays les plus concernés par les déplacés internes sont la Syrie (6,5 millions), la Colombie (5,3 millions), la République démocratique du Congo (2,9 millions) et le Soudan (1,8 million). 

 

Hassan Bentaleb - AFP

 

Libération, le 21 Juin 2014