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Les Européens ont examiné mardi à Milan les moyens d'aider l'Italie à secourir en Méditerranée les migrants et réfugiés partis de Libye dans des embarcations de fortune, mais leur refus de modifier les règles pour l'asile alimente les filières clandestines et ne règle aucun des problèmes, déplore la Commission européenne.

"Il faut ouvrir des voies légales pour permettre aux réfugiés de venir dans l'UE, sinon, ils se tournent vers les filières d'immigration clandestine", a averti Cecilia Malmström, la commissaire aux Affaires Intérieures, venue participer à une réunion des ministres européens de l'Intérieur.

"Pour le moment, les réfugiés ont une toute petite voie d'accès à l'Union européenne, c'est la réinstallation. Il n'y a rien d'autre", a-t-elle souligné.

"Les pays voisins de la Syrie accueillent 3 millions de réfugiés, et moins de 100.000 ont été réinstallés dans les 28 pays de l'UE. Ce n'est pas beaucoup", a jugé Mme Malmström.

La commissaire a proposé de créer des visas humanitaires ou de faire traiter les demandes d'asile par les consulats des Etats membres dans les zones d'accueil des réfugiés, par exemple au Liban ou en Turquie. "Mais ces propositions n'ont pas été très bien accueillies", a-t-elle déploré.

Les programmes de réinstallation sont mis en oeuvre avec le HCR. Les Etats membres, sur une base volontaire, acceptent de prendre en charge sur leur territoire un certain nombre de réfugiés dont le HCR considère qu'ils ne peuvent continuer à vivre dans les camps.

La fortune des passeurs 

Les règles en matière d'asile sont très strictes dans l'UE. La demande est traitée par le pays d'entrée et la prise des empreintes digitales à l'arrivée vise à empêcher l'ouverture d'un dossier dans un autre pays.

Nombre de réfugiés sont contraints de passer par les filières clandestines pour contourner ces règles et gagner le pays européen de leur choix.

Cette situation suscite beaucoup d'acrimonie au sein de l'UE. Les filières organisent les passages en Grèce et en Bulgarie via la Turquie et en Italie au départ des côtes de la Libye, profitant de l'anarchie qui y règne.

"Ce que l'on voit en Méditerranée n'est qu'une partie du problème", soulignent les experts à Bruxelles. Mais c'est la plus tragique, car les migrants et réfugiés risquent leur vie.

Confrontés à un afflux massif, les pays d'arrivée comme l'Italie ont le sentiment d'être abandonnés par leurs partenaires européens. Les pays du nord affirment avoir eux aussi leur part de migrants et accusent les pays d'entrée de ne pas contrôler leurs frontières.

"Quand on regarde les chiffres des arrivants en Italie et de ceux qui restent, on constate une grosse différence. Nous devons discuter de cela", a lancé le ministre allemand Thomas de Maizière.

"Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. Beaucoup de réfugiés veulent aller dans un autre pays que celui de la première entrée", a rétorqué le ministre italien Angelino Alfano, président en exercice de la réunion.

Tout le monde a reconnu le "magnifique travail" accompli par la marine italienne avec l'opération Mare Nostrum lancée en octobre dernier, après deux naufrages ayant fait plus de 400 morts près de Lampedusa et Malte.

En un peu plus de huit mois, 73.686 personnes ont été sauvées, soit 270 par jour. 601 sont arrivés mardi dans le port de Trapani. Parmi eux une centaine de femmes et d'enfants.

Mais l'opération est également critiquée pour "son effet incitatif". "Les passeurs savent que les embarcations seront récupérées et on est en train de faire leur fortune", a confié un responsable européen.

"Mare Nostrum est une opération exceptionnelle, qui doit prendre fin. Nous demandons qu'une opération européenne avec Frontex la remplace et cela le plus vite possible", a annoncé Angelino Alfano.

"Je ne peux pas dire quand cela sera possible", a répondu Cecilia Malmstrom. "Frontex est une petite agence. Elle ne pourra pas prendre le relais demain et se substituer totalement à Mare Nostrum. Il faut étudier les besoins et voir les capacités que les Etats européens pourront mettre à disposition", a-t-elle souligné.

Il faudra également régler des questions sensibles, notament la prise en charge des migrants et des demandeurs d'asile récupérés en haute mer. Les textes européens prévoient qu'elle incombe à l'Etat du pavillon du navire, ce qui explique les réticences de beaucoup d'Etats de l'UE à s'engager dans une telle opération, a expliqué à l'AFP un diplomate.

 

AFP

 

Le point.fr, le 08 Juillet2014