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A Brindisi, le 2 janvier. | CIRO DE LUCA / REUTERS

 

Dans le port de Brindisi, Dennis Osadiaye regarde débarquer les bateaux. Il a entendu les histoires des nouveaux venus en Europe et trouve que la traversée de la Méditerranée devient vraiment très dangereuse. « J’ai vu à la télévision qu ils étaient nombreux ces jours-ci à nous rejoindre après avoir risqué leur vie », observe le jeune Nigérian. Lui est à Brindisi depuis sept mois. « J’étais passé de la Libye à la Sicile sur un tout petit bateau et on m’a amené à Brindisi quand j’ai dit que je voulais demander l’asile », raconte-t-il, fataliste. Ce passage lui a coûté quatre mois de son salaire de laveur de voitures libyen.


En fait, Dennis voyage depuis trois ans. Il est parti à 17 ans du Nigeria, et en a 20 aujourd’hui. D’abord, il s’est arrêté deux ans en Libye, où il raconte avoir toujours travaillé facilement. Puis il a continué vers l’Europe, son but. « Sept mois en Italie, c’est beaucoup et peu », note-t-il, pensif. Beaucoup, parce qu’il n’imagine plus de repartir. Peu, parce qu’il n’a pas avancé dans son projet d’apprendre un métier dans le bâtiment et de s’installer vraiment. « J’attends une réponse à l’appel de ma demande d’asile. Pendant ce temps, je ne peux pas travailler », regrette-t-il. Bien sûr, il a fait la cueillette des olives ou d’autres petits travaux. Mais c’est toujours occasionnel.


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Jeudi, Dennis est venu à la gare de Brindisi. Comme il le fait souvent l’après-midi, parce que ce lieu est un point de ralliement. Le square qui jouxte la gare offre ses bancs et l’ombre d’un arbre. Ça suffit à créer un espace convivial pour la vingtaine de jeunes Africains qui rient et partagent ce moment. On se souhaite la bonne année dans toutes les langues, et Dennis est l’un des rares à parler anglais. « En général, les Nigérians vont à Londres et moi je suis là », ajoute-t-il, sans qu’on comprenne vraiment si c’est par choix ou parce que la vie en a décidé ainsi.


Pour Dennis, comme pour d’autres jeunes aux vies plus faciles, il y a d’abord les plaisirs simples du présent. « Ceux qui ont déjà les papiers passent nous voir à la gare. Parfois, ils m’emmènent manger chez eux. Et puis, les Italiens aussi passent nous voir. Ils savent qu’on est là et viennent nous donner des choses, ou de la nourriture. Ça aide. » En tant que demandeur d’asile, Dennis reçoit 2,50 euros par jour et se nourrit avec. La nuit, il était hébergé, jusque-là. « Mais je sais qu’avec les nouvelles arrivées, je vais devoir laisser ma place. Alors je viendrai dormir a la gare. Avec les autres », ajoute-t-il, une pointe de regret dans la voix.


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Maryline Baumard (Brindisi, envoyée spéciale)

LE MONDE, le 02.01.2015