Tunisie-Europe. Migration : la société civile tunisienne tance sévèrement le gouvernement et l’UE
Séance d’ouverture de la conférence du 29 mai en présence de représentants de la société civile, du gouvernement et de la délégation de l’UE à Tunis. Rached Cherif/LCDA
Lors de la conférence de clôture du projet de mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’UE, les membres du groupe de travail migration n’ont pas mâché leurs mots concernant les relations bilatérales sur la question migratoire devant une assistance composées de représentants de la délégation de l’Union européenne à Tunis et du gouvernement tunisien, notamment Kamel Jendoubi, ministre-conseiller en charge des relations avec les instances gouvernementales et la société civile.
4 thématiques, 18 mois de travail et 60 organisations
C’est pour clore les 18 mois de travaux de son projet de « Mobilisation de la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’Union européenne » que le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) a tenu vendredi une conférence de restitution à Tunis. Quatre thématiques majeures étaient concernées par le projet : l’égalité homme-femme, la réforme de la justice, les droits économiques et sociaux, ainsi que les droits des migrants et des réfugiés.
Pour chacune, le REMDH a mobilisé les organisations tunisiennes les plus actives afin de créer un cadre propice à une réflexion commune et de leur permettre de peser dans les relations bilatérales dans ce qui serait un dialogue tripartite inédit dans la région. Ce projet, soutenu principalement par l’Union européenne, a été permis par l’ouverture – timide, mais réelle – de l’UE et des autorités tunisiennes à l’inclusion de la société civile dans le suivi de ces relations
Des avancées concrètes dans certains domaines
Si la démarche a été plutôt effective pour l’égalité des sexes et la réforme de la justice, elle a été plus mitigée pour le chapitre des droits économiques et sociaux et a même été même bloquée dans le volet migration. Les organisations tunisiennes ont manifesté leur inquiétude quant au danger que représente pour les acteurs économiques tunisiens l’ouverture annoncée des négociations sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA).
Les secteurs des services et surtout de l’agriculture pourraient avoir à affronter une concurrence européenne à laquelle ils sont loin d’être préparés. « Un calendrier préalable de réformes et d’accompagnement de ces secteurs est indispensable », selon l’économiste tunisien Azzam Mahjoub, auteur d’un rapport sur l’impact de l’ALECA dans le cadre du projet du REMDH. D’ailleurs, rappelant le précédent traité sur l’industrie, il ne voit pas le nouvel accord devenir totalement effectif avant « une vingtaine d’années ».
La société civile renvoie gouvernement et autorités européennes dos à dos
Mais, compte tenu de l’actualité, c’est le volet migration qui a été le plus animé. Michel Tubiana, président du REMDH, a donné le ton dès le début de la conférence. « Tous les peuples, du sud comme du nord de la Méditerranée, ont les mêmes droits et les mêmes aspirations à la liberté ». Il a dénoncé le cynisme des décisions de la classe politique européenne estimant qu’elles revenaient à faire en sorte que les personnes en détresse « meurent, mais loin de chez nous ». Quant à la France « prétendue patrie des droits de l’homme », il ne comprend pas qu’elle « mégote sur l’accueil de 9 000 personnes, quand le pays en compte 65 millions ».
Lors de la restitution des travaux du groupe migration, tous les intervenants ont dénoncé à l’unisson le Partenariat pour la mobilité de 2014, renvoyant dos à dos gouvernement tunisien et autorités européennes présents dans la salle.
Le texte ouvre selon eux la voie à la réadmission en Tunisie des personnes qui ont quitté son territoire irrégulièrement, alors même qu’ils encourent des poursuites pénales contraires aux conventions internationales sur la liberté de circulation. De même, l’Union européenne demande à la Tunisie de gérer une partie des flux de réfugiés venant d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient, alors même que le pays ne dispose pas de législation encadrant le droit d’asile, ni même de loi punissant les actes à caractère raciste, pourtant monnaie courante.
.lecourrierdelatlas.com le 31/05/2015