Alors que de plus en plus de navires humanitaires reprennent le chemin de la Méditerranée centrale, plusieurs organisations accusent l’agence de protection des frontières de l’Union européenne Frontex de livrer les personnes migrantes aux garde-côtes libyens.

 

Les ONG Alarm Phone, Borderline-Europe, Mediterranea Saving Humans et Sea-Watch, parmi lesquelles plusieurs participent activement à des missions de sauvetage en Méditerranée, ont publié le 17 juin un rapport dans lequel elles affirment que Frontex utilise des drones et avions de repérage dans la zone de recherche et de sauvetage libyenne afin de localiser les embarcations de fortune. Selon les organisations, l’agence privilégierait le fait d’alerter les garde-côtes libyens plutôt que les navires humanitaires une fois les personnes en détresse repérées.

Le document s’appuie sur des exemples concrets et pointe du doigt la dangerosité de cette pratique, qui aurait entrainé un grand nombre de naufrages mortels. Selon l’OIM, 458 exilés ont été renvoyés en Libye pour la seule journée du 17 juin, et l’organisation estime que 227 personnes ont trouvé la mort en tentant de traverser la Méditerranée depuis début 2020. Ces refoulements représentent pourtant une violation des droits de l’homme, le pays étant en proie à une guerre civile.

Quand les ONG réclament la fin de la coopération entre l’UE et la Libye, Frontex dément et soutient avoir contribué au sauvetage de près de 330 000 personnes « au cours des dernières années ». Le porte-parole de l’organisation, Chris Borowski, nie également l’utilisation de drones et ajoute qu’en vertu du droit international, « nous alertons les centres de secours de la région de la situation ».

Pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire liée au COVID-19, plusieurs navires humanitaires opèrent en Méditerranée centrale, alors que les départs depuis la Libye sont en augmentation. Le Mare Jonio de Mediterranea Saving Humans y a secouru 67 personnes, toutes autorisées à débarquer en Italie le 20 juin, moins de 24 heures après leur sauvetage et pour la première fois depuis les mesures de confinement en Europe. Le Sea-Watch 3 a quant à lui apporté son aide à 211 candidats à l’exil, qui n’ont cependant pas été autorisés à accoster : tous ont été transférés sur un ferry amarré au large des côtes italiennes pour y suivre une période d’isolement. L’organisation Sea-Watch, qui affrète le navire, estime pourtant que « la pandémie ne doit pas servir de prétexte politique pour créer un système à deux vitesses ». Le 22 juin, le bateau Ocean Viking de l’ONG SOS Méditerranée a également rejoint les eaux libyennes après être resté bloqué à Marseille pendant 3 mois.

 

Publié sur France terre d'asile le 24 juin 2020.

Photo © Kripos_NCIS