Depuis le début de l’année, 3 779 migrants ont été expulsés de l’Algérie vers le désert, à la frontière avec le Niger. Les ONG et institutions internationales dénoncent une nouvelle fois des renvois illégaux, les migrants n'ayant pas la possibilité de demander une protection internationale.

Malgré les critiques, l’Algérie continue de renvoyer en masse des migrants vers le Niger. Pour la seule journée du mardi 23 mars, 601 personnes ont été expulsées vers le désert, dont une majorité de ressortissants guinéens et maliens, a indiqué sur Twitter Vincent Cochetel, le représentant du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) pour la Méditerranée centrale.

 

Ce genre de renvois est fréquent. Depuis le début de l’année, 3 779 personnes ont été renvoyées de l’Algérie vers le Niger. La plupart sont originaires d’Afrique de l’ouest, principalement du Niger, de Guinée Conakry et du Mali. L’an dernier, le nombre total de ces renvois s’élevait à 22 631.

Une traversée du désert risquée

Les migrants sont interpellés partout dans le pays, dans la rue, sur leur lieu de travail, dans leurs habitations, dans les magasins… Ils sont mis pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, en cellule, où certains affirment avoir été battu et dépouillé de leurs effets personnels. Ensuite, les exilés sont regroupés dans des bus et renvoyés dans le désert, à la frontière entre l’Algérie et le Niger. "On nous a déposé à environ 15 kilomètres de la frontière. Le reste, on a dû le faire à pied. Cette nuit-là, entre 2h et 6h, on a marché vers le Niger, on était environ 400 personnes", expliquait en janvier à InfoMigrants Falikou, un Ivoirien de 28 ans.

La traversée du désert est une épreuve, les risques sont grands. Plusieurs personnes, abandonnées par les forces algériennes, ont d’ailleurs perdu la vie en tentant de rejoindre le Niger. Amadou, en contact avec InfoMigrants en juillet, racontait avoir vu trois personnes mourir sous ses yeux dans le désert. "Ils étaient tellement fatigués qu’ils se sont effondrés au sol", détaillait le jeune Africain, qui travaillait depuis deux ans en Algérie avant d’être arrêté.

Lorsqu’ils parviennent à atteindre la frontière nigérienne, les migrants sont pris en charge par l’Organisation internationale des migrations (OIM) qui dispose de plusieurs centres dans le pays. Certains décident de rentrer chez eux, d’autres en revanche tentent de retourner en Algérie, ou essayent de rejoindre l’Europe via les côtes marocaines ou libyennes.

"Les migrants ont aussi des droits"

Ces expulsions illégales ont été dénoncées à de nombreuses reprises par les ONG et les organisations internationales. Dans un rapport publié en octobre, l'ONG Human Rights Watch (HRW) estimait que même si "l'Algérie a le droit de protéger ses frontières", elle ne peut pas "détenir arbitrairement et expulser collectivement des migrants, y compris des enfants et des demandeurs d'asile, sans procédure légale". "Avant d'expulser quelqu'un, les autorités doivent vérifier individuellement son statut concernant l'immigration ou l'asile et s'assurer qu'il fait l'objet d'un suivi judiciaire individuel", ajoutait l'ONG dans le rapport.

Cependant, ces déclarations n'ont eu aucun effet concret en Algérie. Vincent Cochetel réitère donc sa demande de "procédures appropriées" dans le pays afin de "mettre en place un système de gestion des mouvements migratoires plus humains" que les expulsions dans le désert. "Les migrants ont aussi des droits, certains ont des besoins de protection internationale", insiste le représentant du HCR.

 

Publié par Leslie Carretero sur Infomigrants, le 25/03/2021